Ce n’est pas la seule cause, mais l’une des principales : le manque de respect élémentaire trouve souvent sa source dans les rapports de pouvoir.
Un chef qui dénigre un membre de son équipe, un chef de service qui traite de haut tout ce qui, de près ou de loin, lui paraît « inférieur ». Ce petit pouvoir qui monte à la tête, qui semble autoriser toutes les dérives, est encore plus visible lorsque les salariés sont des femmes — et plus encore lorsqu’il s’agit du personnel sous-traitant.
Les difficultés de certains chefs de service à suivre des plannings théoriques sur des fichiers Excel ne peuvent pas se régler en méprisant, en accusant celles et ceux qui travaillent sous leur autorité. Cela permet, d’éviter d’assumer ses propres responsabilités, mais à la longue cela crée un climat détestable et freine le travail de tous.
Ce climat d’accusations et de méfiance est renforcé par le népotisme, qui permet à certains d’accéder à des postes de N+1 simplement parce qu’ils partagent les mêmes jugements — ou plutôt les mêmes préjugés — sur celles et ceux qui exécutent les tâches de production et n’ont aucun pouvoir hiérarchique.
Résultat : la hiérarchie se protège, se verrouille, et ce que vivent les salarié·e·s ressemble de plus en plus clairement à du harcèlement organisé.
Quant aux malpolis, aux dragueurs insistants, à tous ceux qui pensent que leur grade les autorise à tout : qu’ils sachent que rien ni personne ne les protège sauf peut-être leur hiérarchie. Les salarié·e·s voient très bien ce qui se passe.
Les mécanismes de protection interne contribuent à la reproduction de ces situations, entravant l’égalité de traitement et favorisant un climat de travail délétère, contraire à l’obligation de sécurité de l’employeur prévue à l’article L.4121-1 du Code du travail.
Il est rappelé que le statut hiérarchique n’exonère en rien de la responsabilité individuelle et pénale. Aucun grade ne confère un droit à l’abus. Les faits sont observés, consignés, et pourront être établis.
La Cour de cassation rappelle de manière constante que :
- le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 07-45.321) ;
- des agissements répétés, même pris isolément anodins, peuvent caractériser un harcèlement dès lors qu’ils entraînent une dégradation des conditions de travail (Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152) ;
- les méthodes de management peuvent constituer un harcèlement moral lorsqu’elles génèrent une pression excessive ou humiliante (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 08-41.497).
Responsabilité individuelle des encadrant·e·s
La Cour de cassation rappelle que :
- le statut hiérarchique n’exonère en rien la responsabilité personnelle de l’auteur des faits (Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 10-82.266) ;
- des supérieurs hiérarchiques peuvent être condamnés pénalement pour harcèlement moral (Cass. crim., 11 juin 2014, n° 13-84.207).
Responsabilité pleine et entière de l’employeur
La Cour de cassation a établi que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité, incluant la prévention des risques psychosociaux :
- le manquement à cette obligation est caractérisé dès lors que des faits de harcèlement sont établis (Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914) ;
- l’employeur engage sa responsabilité même s’il n’est pas l’auteur direct des faits (Cass. soc., 19 oct. 2011, n° 09-68.272) ;
- l’inaction ou la réponse tardive de l’employeur à des alertes constitue un manquement grave (Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19.702).
Les remontées que nous recevons, notamment sur le F10X, deviennent trop nombreuses pour être passées sous silence. Elles commencent à nous alarmer sérieusement.
Les alertes que nous avons portées à la connaissance de la direction font donc pleinement peser sur l’employeur une obligation d’enquête, de protection des salarié·e·s et de mesures correctives effectives.
La meilleure réponse reste la réaction collective, au niveau des équipes, comme cela s’est déjà fait spontanément dans certains secteurs — notamment ceux bien connus pour leurs chefs de type « adjudant ».
Charge de la preuve et protection des salarié·e·s
Conformément à l’article L.1154-1 du Code du travail, la jurisprudence précise que :
- le ou la salarié·e n’a pas à prouver le harcèlement, mais seulement à présenter des éléments laissant supposer son existence
(Cass. soc., 27 oct. 2021, n° 19-26.739) ; - il appartient ensuite à l’employeur de démontrer que ses décisions sont étrangères à tout harcèlement.
Par ailleurs, aucun·e salarié·e ne peut être sanctionné·e pour avoir dénoncé ou témoigné de faits de harcèlement, sauf mauvaise foi établie (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44.092).
À toutes celles et tous ceux qui subissent ces agressions quotidiennes, ces humiliations répétées, nous le disons clairement : la CGT accompagnera toute salariée ou salarié victime ou témoin de pressions, d’humiliations ou de comportements inappropriés dans la constitution de dossiers, l’exercice du droit d’alerte, les démarches devant le CSE, l’inspection du travail et, le cas échéant, les juridictions compétentes.


