LES IDÉES REÇUES SUR LA GRÈVE
1. « Seuls les syndiqué-e-s peuvent faire grève »
Faux. Tout-e salarié-e, qu’il soit en CDI, CDD, intérimaires,
syndiqué-e-s ou non, peut faire grève, quelle que soit la
taille de l’entreprise.
2. « Je peux faire grève tout-e seul-e »
Oui et non… :
- lorsqu’un syndicat appelle à un mouvement de grève
au niveau national ou dans la branche professionnelle,
un salarié-e seul-e peut participer au mouvement de
grève, même si aucune revendication particulière à l’entreprise
n’a été formulée ; dans ce cas, il n’a pas besoin
de déposer un avis de grève à l’employeur ;
- quand il n’y a pas d’appel d’un syndicat au niveau national,
dans la branche professionnelle ou l’entreprise, un
salarié-e seul-e ne peut pas faire grève. Pour la grève soit
licite, il faut être au moins deux salarié-e à faire grève...
sauf dans les entreprises ne comptant qu’un-e salarié-e.
3. « Mon employeur peut m’interdire de faire grève »
Dans le secteur privé, non. Le droit de grève est une liberté
individuelle, garantie par la loi. Attention néanmoins
à respecter les règles en vigueur, comme la nécessité
d’avertir l’employeur du mouvement de grève quand il
n’y a pas d’appel d’un syndicat.
4. « Si je fais grève, mon employeur
peut me sanctionner »
En aucun cas : aucun salarié ne peut être sanctionné,
ni discriminé d’aucune façon (par exemple, en matière
d’avancement) pour avoir fait grève dans des conditions
légales (article L1132-2 du Code du travail).
5. « Si je suis en grève, l’employeur peut me licencier »
Non. Un licenciement pour fait de grève serait automatiquement
déclaré nul par les tribunaux.
Le fait d’exercer le droit de grève ne peut justifier la rupture
du contrat de travail, sauf dans l’éventualité d’une
faute lourde imputable au salarié lors de la grève. Tout
licenciement prononcé en absence de faute lourde est
nul de plein droit (articles L1132-2 et L2511-1 du Code du
travail).
6. « Pour être déclaré gréviste, je dois me manifester »
Non, dans le privé, les salarié-e-s n’ont aucune obligation
de se manifester avant le début du mouvement. L’employeur
ne peut pas exiger un document écrit, formulaire
ou déclaration aux salarié-e-s grévistes. Il appartient
cependant à l’employeur de tenir le décompte des salarié-
e-s grévistes. Il peut donc, dans ce cas, poser la question
aux salarié-e-s de savoir s’ils sont grévistes ou non.
Afin d’éviter toute erreur, l’employeur peut demander
aux salariés de se manifester auprès de leur responsable
ou auprès du service des ressources humaines.
7. « Si je fais grève, cela sera porté sur mon bulletin de salaire »
En aucun cas : l’exercice du droit de grève ne doit pas
être mentionné sur le bulletin de paie du gréviste (Article
R3243-4).
8. « Toute grève doit être précédée d’un préavis »
Non : dans le secteur privé, les salariés qui veulent utiliser
leur droit de grève n’ont pas à respecter de préavis.
Une grève est licite même si elle n’a pas été précédée
d’un avertissement ou d’une tentative de conciliation
avec l’employeur. Le préavis de cinq jours n’est obligatoire
que dans les entreprises publiques ou dans les entreprises
exerçant une mission de service public.
9. « Le droit de grève est un droit constitutionnel absolu »
Pas forcément. Le préambule de la constitution de la
Quatrième République de 1946, dont la valeur constitutionnelle
a été rappelée en 1971 par le Conseil constitutionnel,
prévoit dans son alinéa 7 : « Le droit de grève
s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. » Le
droit de grève est donc effectivement un droit constitutionnel…
mais pour être licite, il doit respecter des conditions
légales. En revanche, une convention de branche ou
d’entreprise ne peut le réglementer.
10. « Les jours de grève sont toujours payés »
Non. L’employeur a le droit de retenir sur la paie du salarié
gréviste une part du salaire et de ses accessoires (indemnité
de déplacement, par exemple). La retenue sur
la rémunération doit être proportionnelle à la durée de
l’arrêt de travail. Toute retenue supérieure est interdite.
L’employeur n’est tenu de payer leur salaire aux grévistes
que si la grève a pour origine un manquement grave et
délibéré de l’employeur à ses obligations, ou si un accord
de fin de grève l’a prévu.
11. « On peut déposer une grève pour n’importe quel motif »
Faux. Dans un arrêt en date du 2 février 2006, la Chambre
sociale de la Cour de cassation définit la grève comme «
la cessation collective, concertée et totale du travail en
vue de présenter à l’employeur des revendications professionnelles
». Une grève nécessite donc trois conditions
: un arrêt total du travail, une concertation des salariés,
et des revendications professionnelles (revendications
salariales, sur les conditions de travail ou sur la défense
de l’emploi, par exemple). Dans le cas contraire, le mouvement
est considéré comme étant illicite et les salariés
y participant peuvent être sanctionnés.
12. « Seul un syndicat peut appeler à la grève »
Faux : un groupe de salariés, syndiqués ou non, peut poser
un avis de grève. Dès que l’employeur a connaissance
des revendications, les salariés grévistes peuvent cesser
le travail. Il n’est pas nécessaire que la majorité des salariés
ou tous les salariés de l’entreprise participent à la
grève. En cas de mot d’ordre national, tout salarié peut
participer à la grève.
13. « Arrêter d’effectuer certaines tâches, tout en continuant de travailler, est une forme moderne de grève »
Attention : une grève implique une cessation totale de
travail. Un ralentissement de l’activité ou de la production
ne relève pas de l’exercice du droit de grève.
Sont ainsi illicites les grèves perlées (travail effectué au
ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses),
les grèves limitées à une obligation particulière
du contrat de travail (sur les heures d’astreinte, par
exemple), ou encore les actions successives menant au
blocage de l’entreprise sans arrêt de travail collectif et
concerté. Les arrêts de travail réalisés alternativement
(grève tournante) entre secteurs d’activité, services,
ateliers, catégories professionnelles sont justifiés s’ils ne
sont pas abusifs, c’est-à-dire s’ils n’entraînent pas une
désorganisation complète de l’entreprise. Par ailleurs, la
cessation du travail peut être limitée à une fraction du
personnel (un atelier en particulier, une certaine catégorie
de personnel, etc.) même minoritaire.
14. « Je peux faire grève pour m’opposer au gouvernement »
Ce n’est pas suffisant : une grève peut avoir un aspect
politique, mais à condition qu’elle n’ait pas pour objet unique d’affirmer une position politique. Il n’est donc
pas possible de faire grève pour protester contre la politique
générale du gouvernement. Cependant, dans certains
cas, comme le blocage des salaires, la défense de
l’emploi, la réduction générale du temps de travail, les
revendications sont d’ordre professionnel. Dans ce cas, la
grève est admise car les revendications concernent directement
les grévistes.
15. « Il est impossible de faire une grève de moins d’une heure »
Faux. Il n’existe aucune durée minimale de grève. La
grève peut être de courte durée (une heure, ou même
moins). Elle peut être répétée. Par exemple, un arrêt total
et concerté du travail d’un quart d’heure toutes les
heures pendant dix jours relève d’un exercice normal du
droit de grève.
16. « Les grévistes peuvent empêcher les non-grévistes de travailler »
Non : les grévistes doivent respecter le travail des
non-grévistes. Le blocage de l’accès à un site, l’occupation
des locaux afin d’empêcher le travail des non-grévistes
sont des actes abusifs. Il en va de même de la dégradation
des locaux ou des matériels. De telles actions
sont illégales et peuvent donc être sanctionnées pénalement,
comme évidemment les actes violents contre les
personnes.
17 « Je suis non-gréviste, je suis obligatoirement payé »
Attention : l’employeur doit fournir du travail aux
non-grévistes et les rémunérer, sauf s’il peut prouver
qu’il a été dans l’impossibilité de faire fonctionner l’entreprise.
En cas de piquet de grève ou d’occupation des
locaux, l’employeur n’est dispensé de son obligation de
payer les non-grévistes que s’il a intenté une action pour
faire expulser les grévistes.
18 « Pendant la grève, l’employeur peut demander à un CDD de faire mon travail »
En aucun cas : il est interdit de conclure un contrat de travail
à durée déterminée ou de recourir au travail temporaire
pour remplacer un salarié dont le contrat de travail
est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail. En
revanche, l’employeur peut demander à un salarié d’un
autre service d’effectuer une tâche normalement dévolue
à un gréviste, à condition que cette tâche ne soit pas
réalisée sur des des heures supplémentaires.


