Monsieur Trappier,
Les élus CGT souhaitent commencer cette déclaration en revenant sur les informations que vous avez récemment communiquées à la presse, à peine quinze jours après le CSEC du 20 mai. Si l’ouverture d’une chaîne de fabrication de Rafale en Inde n’est pas une nouveauté, cette possibilité étant prévue depuis l’appel d’offres MRCA de 2001, devenu depuis 2018 le MMCA 2.0, ces déclarations faites récemment marquent une rupture claire avec les annonces précédentes.
Si votre ambition est désormais de construire en Inde des Rafale destinés à des pays tiers, sachez que la CGT s’y opposera fermement ! Nous exigeons dès aujourd’hui une clarification sans ambiguïté de cette situation.
Les difficultés actuelles rencontrées sur nos chaînes de production ne sauraient justifier une délocalisation. Les millions d’euros investis ces dernières années dans les moyens industriels et humains sont bien réels… mais restent largement insuffisants au regard des besoins ! L’effectif de l’entreprise a certes augmenté de 20 %, mais la charge de production a, elle, bondi de 300 %. Il y a là un déséquilibre manifeste.
Ce sont, une fois encore, les compagnons des ateliers qui paient le prix fort de cet écart entre les objectifs et les moyens. Le travail en 2x8, les heures supplémentaires en semaine et le samedi, le travail de nuit, les équipes de suppléance, les astreintes, les déplacements…sont des contraintes qui se généralisent.
Le manque d’anticipation, d’organisation et de compétence impose aux salariés une adaptation constante aux ordres, contre-ordres, réorganisations successives et interlocuteurs qui changent sans cesse. Les dysfonctionnements touchent tous les domaines : qualité, formation, organisation.
Nous voyons se généraliser des formations au rabais, notamment via le e-learning, qui déresponsabilisent l’employeur et éreintent les salariés. Cela engendre un malaise profond et une usure au quotidien.
Une fois encore, la CGT vous alerte sur les lourdes difficultés rencontrées, conséquences de décisions mal réfléchies, qui vont à l’encontre de l’ADN de Dassault Aviation.
Si vous souhaitez réellement réduire les cycles sans oublier la qualité, faites confiance aux salariés et, surtout, écoutez-les !
Avez-vous conscience que, à cette accumulation de contraintes professionnelles, viennent s’ajouter les difficultés croissantes du quotidien ? Jusqu’au milieu des années 1980, un salaire chez Dassault permettait de faire vivre une famille entière.
Ce temps est révolu : aujourd’hui, deux salaires sont indispensables, et il faut jongler au quotidien pour faire face à des journées toujours plus compliquées.
Le vieillissement de la population place de plus en plus de salariés en situation d’aidants familiaux et, à l’autre bout de la chaîne, nos enfants peinent à accéder à un logement décent et à une vie digne.
Dans ce contexte, les informations publiées par Le Canard Enchaîné le 25 juin ne peuvent qu’indigner.
L’échec des discussions sur une légère augmentation des cotisations patronales, qui aurait permis une baisse de l’âge de départ à la retraite, vous est directement imputé. Si les faits sont avérés, ce serait un triste symbole : malgré les années, l’UIMM perpétuerait encore les pratiques archaïques, digne héritière du Comité des Forges du XIXe siècle.
Vos déclarations récentes sur la baisse du temps de travail confirment d’ailleurs cette posture. Elles rappellent étrangement celles de vos prédécesseurs qui, en leur temps, s’opposaient aux congés payés en 1936 ou à la fin du travail des enfants en 1874. Le temps passe, mais certaines logiques demeurent.
Pendant ce temps, les résultats financiers s’envolent : un milliard d’euros de bénéfice pour Dassault Aviation en 2024 ! Et cela se traduit par une augmentation salariale de seulement 1 %. Qui peut sérieusement s’étonner du ressentiment des salariés ? Amertume aujourd’hui, colère demain ?
Ce 1% représente pour 50% du personnel atelier une somme avoisinant les 20€. Comment avec une trésorerie exceptionnelle comme celle de chez Dassault les salariés peuvent t’ils être satisfaits ?
Les DL véhiculent le discours mensonger que la DG leur insuffle, en martelant que nous devrions nous estimer heureux car chez Dassault nous sommes les mieux lotis de toute les sociétés du GIFAS.
Concernant les futures NAO salaires, la CGT vous demande qu’elles débutent en fin d’année comme cela se faisait il n’y a pas si longtemps.
La CGT ne veut pas se laisser enfermer dans une triple négo (salaires, P+I) comme cela a été le cas cette année et devoir négocier plusieurs accords en même temps.
Pour cela nous exigeons que vous nous communiquiez dès le mois de septembre le bilan promotionnel annuel puisque vous avez décidé de ne faire qu’une seule distribution au mois de juillet.
La CGT ne lit pas dans une boule de cristal. Mais si vous persistez dans cette politique salariale au rabais, misant uniquement sur la participation et l’intéressement, vous préparez un avenir socialement explosif.
Loin de se résigner, la CGT reste offensive et déterminée à organiser un partage plus équitable des richesses créées par le travail. Pour que celles-ci ne profitent pas uniquement aux actionnaires.